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A Matter of Life and death (version française) par Nigel Roth



J'ai encore le Covid et je me sens aujourd’hui comme un malade chronique de la consomption victorienne, frappé une fois de plus par la malédiction de mon époque. Je vais donc m'asseoir confortablement chez moi et écouter un match de football à la radio.


Il y a quarante-deux ans, presque jour pour jour, je faisais exactement la même chose.


Mon Liverpool bien-aimé était sur le point de remporter un nouveau titre de champion de première division, le deuxième consécutif et, malgré le fait qu'ils allaient perdre la même année contre le Dinamo Tbilissi au premier tour de la Coupe d'Europe, contre Arsenal en demi-finale de la FA Cup et contre Nottingham Forest en demi-finale de la League Cup, ils étaient toujours mes héros.


Comme aucune de ces équipes n'a fini par remporter l'une des coupes dont elles ont éliminé Liverpool, un sentiment par anticipation de schadenfreude m’empêcha de m'arracher les cheveux.


En 1980, c'était Liverpool contre Manchester City, et mon JVC était réglé au poil, prêt à l'emploi, priant pour une réception claire pour ne rien manquer de l'action.


Quelques mois plus tôt, après avoir gagné à domicile, Liverpool avait subi une défaite 3-0 contre Tbilissi, alors que quatre-vingt mille Géorgiens acclamaient les footballeurs et chantaient dans le stade national Boris Paichadze plein à craquer. J'écoutais attentivement le commentaire lointain, entrecoupé de grésillements et de retours, tâchant de distinguer les commentateurs qui élevaient la voix pour se faire entendre au-dessus du bourdonnement tonitruant d'un match qui me semblait se jouer sur la lune plutôt qu'à deux mille cinq cents kilomètres de là.


À un moment donné, l’un des commentateurs a fait référence à Paul Marking de Liverpool, un nom que je n'avais jamais entendu auparavant, et je me suis demandé à voix haute si un nouveau joueur avait été acheté à mon insu et si David Fairclough n'était plus notre "super remplaçant". Paul Marking, lui, semblait causer toutes sortes de problèmes à l'équipe, et j'ai crié à la radio pour que l'entraîneur Bob Paisley le remplace rapidement.


Une fois le bruit de fond estompé pendant un moment, un technicien ayant probablement trouvé le moyen d'étouffer une partie du bruit de la foule, je me suis rendu compte que Liverpool souffrait d'un mauvais marquage (poor marking), et non de Paul Marking, et j'ai présenté mes excuses à Paisley, tout en concluant que nous n'allions pas gagner cette bataille dans le lointain terrain sombre de l'autre côté du monde connu où Valdimir Gutsaev, Ramaz Shengelia et Aleksandr Chicadze étaient les dragons.

Il m'a fallu des semaines pour m'en remettre.


Mais ce match était différent.


Liverpool était à domicile, à Anfield, et le Kop - qui doit son nom au Spion Kop, une colline sud-africaine où près de quatre cents soldats ont perdu la vie pendant la guerre des Boers en 1900, et que le journaliste Ernest Edwards du Liverpool Daily Post & Echo a jugé bon de dédier à une terrasse de stade - entonnait l'hymne de Liverpool, You'll Never Walk Alone, avant et à la fin du match, et scandait le nom du club à tue-tête, encourageant les joueurs pour les motiver.


Aujourd'hui, j'ai du fromage et un verre de vin pour accompagner le commentaire du match. Ce jour-là, j'avais des sandwichs au beurre de cacahuète et du Fanta. Ma mère était quelque part en bas en train de polir ses crocs, et mon père trimait dans son magasin de spiritueux, servant des clients, discutant et fumant des Rothmans à la chaîne au cas où ils arrêteraient soudain d'en fabriquer. Et mon frère regardait la télévision, et fomentait des moyens de m'ennuyer en grandissant.


C'était un bon planificateur.


Dans ma chambre, je m'assurais que l'antenne était orientée dans la direction optimale pour recevoir le signal sans fil, que le son soit juste assez fort pour entendre le match sans induire de distorsion, et que ma chambre soit assez rangée pour pouvoir lancer une balle de tennis contre le mur du fond, et l'attraper calmement et à la manière d'un chat comme Ray Clemence, ou la balancer sur les meubles avec la force du formidable Jimmy Case.


Tandis qu'Anfield s'animait, le soleil brillait à travers ma fenêtre, et j'imaginais l'équipe de Liverpool, ses maillots, shorts et chaussettes rouge vif, brillant sur le vert Merseyside du terrain, le mythique oiseau jaune de Liverpool bien en évidence sur leur poitrine, et je priais pour que je puisse faire la fête dans quatre-vingt-dix minutes, plus les arrêts de jeu.


Si Brighton, qui n'a pas gagné un match depuis des lustres, réussissait un miracle aujourd’hui, je serai sans doute déçu, mais je ne serai pas, comme je l'ai été lorsque Liverpool a été battu cette année-là par Coventry City, Wolverhampton Wanderers, Manchester United et l'équipe de mon grand-père, Tottenham Hotspur. Je ne serai pas complètement déprimé et désespéré pendant des jours, évitant de manger, de discuter ou même de parler de football.


Alors, quand j'ai supplié ce jour-là Liverpool de battre Manchester City, qui finira finalement sixième et juste au-dessus de la zone de relégation (un état dans lequel je serais ravi de les voir cette année aussi), ce n'était pas seulement pour qu'un match de football réponde à mes attentes.


La performance de Liverpool faisait ou défaisait ma semaine.


Bill Shankly, le prédécesseur de Bob Paisley à la tête de l'équipe de 1980, a dit un jour que si "certaines personnes croient que le football est une question de vie ou de mort .... Je peux vous assurer que c'est beaucoup, beaucoup plus important que cela", et je pensais à l'époque que c'était un euphémisme.


Aujourd'hui, je n'ai pas de ballon à lancer contre le mur. Je n'ai pas d'antenne à pointer vers le ciel. Je n'ai même pas de radio, en tant que telle. Mais le soleil brille et l'herbe d'Anfield est encore verte, paraît-il.


À quatorze ans, ce match a été les quatre-vingt-dix minutes les plus angoissantes de ma semaine. À cinquante-cinq ans, ces quatre-vingt-dix minutes seront le seul répit de sept jours angoissants et effrayants.


Ce jour-là, il y a tant d'années, Liverpool a gagné 2-0, et j'ai applaudi si fort que ma mère a crié dans l'escalier pour me dire d'arrêter ce vacarme, ce qu'elle faisait chaque semaine où nous gagnions. Aujourd'hui, j'applaudirai probablement encore, mais en sourdine, en adulte et avec moins d'émotion qu'un enfant innocent.


Parce qu'aujourd'hui, le football n'est qu'une échappatoire très temporaire à une véritable question de vie ou de mort.


Photo by Kaffed Ahmed J.

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