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A Sunday afternoon on the Island of La Grande Jatte (version française) par Nigel Roth



Comme il se doit dans une galerie pour examiner un tableau en détail, il s’assit sur un banc, face à l'œuvre.

Aussi difficile que ce soit de faire la distinction entre une action consciente de celle inconsciente, il affirma ne pas l'avoir vue avant prendre place.

Alors que les différents éléments commençaient à émerger de l’oeuvre sous son regard attentif, et qu'il en décrivait mentalement le symbolisme, elle toussa.

Il se tourna vers la toux, et la vit.

Elle toussa à nouveau, et s'en excusa.

"Désolée", dit-elle en ajustant son masque.

"Oh, non, aucun souci", répondit-il "il y a beaucoup de ça dans le coin" en regrettant aussitôt son propos.

" C'est vrai, oui ", répondit-elle, pour qu'il se sente moins bête, supposa-t-il.

"J'ai un Fisherman's Friend" lui offrit-il.

Malheureusement, elle ne savait pas qu'un Fisherman's' Friend était une pastille contre la toux, contenant un mélange symbiotique de menthol, d'eucalyptus, de dextrine, d'adragante et de capsicum.

"C'est génial", dit-elle, avec ce qu'il me décrivit comme un sourire de sympathie, "je suis contente pour vous".

Suivit alors une période de silence gênant. Il comprit qu’elle avait interprété son aide médicale comme une rencontre aquatique.

"Oh !" réussit-il finalement à dire.

"Oh ?" a-t-elle demandé, l’empêchant de s’en sortir.

"Ohhhh" répéta-t--il.

"Oh ?" demanda-t-elle à nouveau, un peu intriguée.

"Oh, je voulais dire que j'ai une pastille contre la toux."

"Une pastille contre la toux ?"

"Une pastille."

"Ohhhh !" reprit-elle. "Ahhhh !"

"Oui. Pas un vrai..."

"Oui. J'ai compris. Je vois."

"OK. Désolé pour le mal..."

"Pas de problème. Je pensais que vous vouliez dire...

"Oui, que j'avais un ami qui..."

"Oui. C'est idiot. Je ne voulais pas...

"Non, pas de problème."

Il baissa les yeux sur ses mains pour se distraire et les frotta l'une contre l'autre comme pour les désinfecter, nerveusement et trop longtemps.

Il vit qu'elle fixait ses mains.

"Sèche", dit-il.

"J'ai de la graisse à traire", proposa-t-elle.

Malheureusement, il ne savait pas que ce baume pour pis était aussi une crème hydratante pour les mains, combinaison utile d'aloès, de lanoline, de vitamines A, E et D, sans parfum ni colorant.

Incapable de trouver une autre expression que l'amusement surpris, il la fixa trop longtemps.

Il s'ensuivit un silence gênant, tandis qu'elle réfléchissait à la manière la plus appropriée de réparer son erreur.

"Ah !", dit-elle soudain, rompant le silence.

"Hein ?" répondit-il.

"Ahhhh !" reprit-elle en étirant le mot et en souriant.

"Euh ?" demanda-t-il à nouveau.

"Ha. Je voulais dire que j'ai de la crème pour les mains."

"Crème pour les mains. Pour les vaches ?"

"Les vaches n'ont pas de mains."

"Non !"

"Non !"

"Non", répondit-il en écho.

"Non, ce n'est pas pour les vaches, c'est pour les humains."

"Ahhhh," dit-il, se sentant stupide, "je pensais..."

"Oui. Non. Mais si vous ne le saviez pas, alors bien sûr."

"Je ne savais pas, je n'avais jamais entendu parler de..."

"C'est vrai."

"C'est vrai."

"Eh bien, maintenant, vous le savez, alors."

"Oui."

Il se frotta les mains à nouveau. Elle toussa quelques fois encore. Il analysa le tableau un peu plus et elle aussi. Et puis, après un bon moment, elle s'est levée et s'est dirigée vers la galerie suivante.

"Et le fait est que", m'a-t-il dit, "je l'aimais vraiment bien".


Photo by Pixabay





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