Nous sommes le 2 juin 2020 et me revoici devant le clavier de mon Mac sur le point de taper, pour la énième fois, le mot « temps » .
Décidément, ce mot m’obsède… De quelle manière, ce temps qui passe, va-t-il façonner notre lendemain ? Devinettes et incertitudes se côtoient.
Il faut bien reconnaître que nous vivons des moments extraordinaires, dans le sens de : « qui sortent de l’ordinaire » .
Nos édiles, qui cherchent à mettre en pratique l’adage de toujours : « gouverner c’est prévoir » sont pour le moins embarrassés et d’aucuns leur reprochent que cela se voit et s’entend juste un peu trop. Les pauvres, au fond, ils sont ignorants. Alors, ils ont appliqué le principe de précaution, à l’excès, selon les uns, à bon escient selon d’autres - essentiellement des scientifiques - avec le questionnement récurrent : « Quelles conséquences » ?
Il n’y a de vraie science que dans le doute, dit-on.
Le 1er juin 2020 à 23 heures 59, il y avait la queue devant l’entrée d’un bistrot dans une rue parisienne. Moment épique car une minute plus tard, allait sonner la levée des restrictions relatives à l’ouverture des bars et restaurants. En un instant, comme au quatrième top, ils étaient tous attablés sur la terrasse, riant, affichant des mines orgasmiques !
A l’interrogation muette, ils répondent : Enfin, nous nous réapproprions notre vie » … la condamnation n’avait même pas été assortie du sursis. On a pris trois mois ferme!
Alors, « Quel possible pour quel futur » ? La question nous laisse pantois. Demain sera-t-il (si) différent d’hier ? Ou bien…?
Attablé à mon bureau, j'essaie de ne pas loucher, avec un œil sur l’écran de mon ordinateur et l’autre sur celui de la télé. D’un côté comme de l’autre, c’est tout et son contraire.
France2 nous montre, à l’envi, des images captées aux six coins de l’Hexagone. Sourires à gogo, visages heureux. Le soleil est de surcroit de la fête. Diable, ils ont la soif tous ces gens après avoir purgé le temps du confinement. On peut enfin étaler sa serviette sur le sable de la plage pour faire une petite bronzette, se réunir à plusieurs, bref tout refaire… comme avant.
Les signaux cacographiques (voire phoniques) de nos caciques exacerbent notre perplexité.
La voix off nous dit : « Faites gaffe les gars, c’est pas fini… » ce qui pousse à l’exercice des trois pas en avant et deux en arrière. On se hâte, lentement ou bien, selon notre Alain Berset national on y va : « Aussi vite que possible mais aussi lentement que nécessaire..!! » Une formulation qui va sans doute lui coller à la peau et lui servir d’épitaphe, le moment venu, pour exciter les neurones des épigraphistes de demain !
Tout ça pour dire qu’on sait bien où nous poussent nos envies mais que la route est obscure et incertaine. Demain obéira-t-il à la règle des prévisions de la météo où on se trompe de moins en moins souvent mais où les décalages horaires demeurent aussi fréquents ? Sans doute, au fond, le futur sera-t-il meublé de quelques possibles, par opposition à des probables davantage issus d’un imaginaire que de convictions étayées.
Prenons l’exemple 1 : Monsieur et Madame font du télétravail. Les enfants sont interdits d’école. Au fond c’est assez chouette. On se lève ensemble, on prend le temps (pardon mais il s’incruste !) de petit-déjeuner ensemble, aucun des parents ne doit courir pour habiller les enfants et plus de : « Ah m… je suis en retard, tu ne veux pas me remplacer ce matin, je prends ton tour demain » Par quoi on commence aujourd’hui, les maths ou le français ?
Versus l’exemple 2 : « Heureusement qu’il a cette réunion ce soir, je vais pouvoir aller voir ma mère sans l’obliger à m’accompagner » ou encore « J’aimerais les voir grandir et bavarder avec eux. Les connaître davantage ». Il évoque ses enfants.
A chaque pièce il y a le pile et le côté face.
Et la question n’est pas : « Que choisir ? » mais tout bêtement. « Aurai-je le choix ? »
Le sage disait que pour faire de grandes choses dans sa vie, il faut la vivre comme si on était éternel. La réponse est peut-être bien dans ce fameux vocable qui maltraite tant ma matière grise : Le Temps. Faire les mêmes choses qu’AC (Avant le Confinement) mais en y prenant le temps. Introduire la temporisation dans notre vie. Ne plus regretter de ne pas en avoir… du temps. Et de conjuguer nos verbes au futur-antérieur : demain je saurai ce qui fut. C’est quasiment de l’ubiquité.
Tout cela est (peut-être) terriblement farfelu mais surtout, terriblement possible… pour tous ceux qui auraient pris goût au confinement.
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