Avoir le cigare au bord des lèvres, balancer son rondin, démouler un cake, couler un bronze ou poser une pêche : Autant d’expressions très imagées pour décrire un phénomène universellement odorant et tellement animal.
Nous, les humains, être doués de science, inventeurs de la station spatiale, tueurs en série de notre environnement, n’en sommes pas préservés malgré notre savoir ; et si dans cette partie du monde aseptisée, nous parlons volontiers de nos performances intimes seul, à deux ou à trois, nous ne nous étendons pas sur nos habitudes trônesques et pour cause, cette pratique quotidienne n’est de loin pas valorisée comme elle le devrait. Faut bien admettre que lorsque l’on nous traite de m… , c’est rarement un compliment et vous aurez remarqué que je n’ai pas utilisé le mot « merde » mais son initiale, car la pudeur commande cette réserve à l’égard d’une injure indicible, l’érigeant en une sorte de Voldemort des besoins naturels.
Parler de caca fait encore rire à tous les âges et l’on pense déceler un petit sourire chez le médecin, lorsqu’il nous demande d’un air que l’on suppose facticement neutre, comment nous allons à selle.
Et inlassablement, comme pour la naissance et la mort, nous ne sommes pas tous égaux devant les fèces.
Si, dans les pays dits industrialisés, nous pouvons nous targuer de toilettes de plus en plus sophistiquées, avec jets d’eau intégrés, bruit de fond dissimulateurs et absorption des odeurs, - tout en ergotant sur nos libertés face à un vaccin que certains, moins bien lotis, rêveraient de pouvoir s’injecter avec les dents – d’autres, souvent des enfants en bas-âge, crèvent de ne pouvoir se soulager de manière à éviter dysenteries et choléra.
L’histoire nous montre pourtant que nous n’avons pas toujours été aussi délicats sur le sujet. Les Romains, qui entre nous soit dit avaient des systèmes de canalisations très élaborés, se retrouvaient volontiers les uns à côté des autres et discutaient le bout de gras, tout en l’évacuant.
Le moyen-âge n’a en revanche rien apporté de nouveau dans ce domaine, ni dans aucun autre d’ailleurs, et il faudra attendre Thomas Twyford en Angleterre à la fin du XIXème siècle pour l’invention révolutionnaire qui a changé nos vies, celle du wc en céramique.
Aujourd’hui, nos déjections n’échappent pas aux préoccupations du moment et le recyclage de nos matières fécales, doublées de l’émergence des cryptomonnaies a donné l’idée au Coréen Cho Jae-weon, ingénieur en urbanisme et environnement, Professeur à l’Ulstan National Institute of Science and Technology, de créer une toilette connectée à un laboratoire de production de biogaz et de fumier. Son fonctionnement est simple. Une pompe aspire nos déjections dans un conteneur en utilisant une très petite quantité d’eau. Puis, les microorganismes font leur œuvre, transformant toute cette matière en méthane transformé ensuite comme source d’énergie permettant notamment de chauffer le bâtiment. Son invention en soi n’est pas si inédite que cela, car si l’Europe du Moyen-âge était dans l’obscurantisme le plus total, l’Asie au contraire utilisait déjà notre production quotidienne comme carburant. Ce qui rend l’invention du Coréen innovante, c’est son idée de créer une cryptomonnaie, le Ggool que les étudiants reçoivent en contrepartie de leurs étrons. Avec cet argent, ils peuvent se fournir à la cafétéria de l’institut et s’acheter des livres.
« Serious shit » toute cette histoire, parce qu’imaginez maintenant le futur si ce procédé se généralise : Certains feront de ce commerce une activité principale à n’en pas douter. Les gastroentérologues et les proctologues seront les stars de la médecine de demain et les producteurs de laxatifs, naturels ou pas, deviendront des acteurs-clés du marché.
Et que dire des producteurs de pruneaux d’Agen ?
Quant à moi, devant cette perspective vertigineuse, je ne vous souhaite qu’une seule chose, c’est d’aller bien.
Photo by Cottonbro
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