La dé-extinction ! C’est ce qui semble guetter le mammouth laineux, disparu depuis plusieurs millénaires de la surface de la terre, dans l’esprit de certains biotechnologues.
Les carcasses gelées des mammouths remontent à la surface de la terre avec la fonte du pergélisol dans les steppes sibériennes et les développements actuels des sciences génétiques permettent de prélever son ADN et d’introduire des séquences de celui-ci dans le génome de l’éléphant d’Asie. A ce stade, on ignore l’opinion de l’éléphant sur ce projet.
Voilà la nouvelle marotte annoncée en septembre 2021 par Colossal, une entreprise américaine, à la tête de laquelle on trouve l’entrepreneur Ben Lamm et le généticien George Church. Le mammouth laineux ressuscité ? Certainement pas. Ce cocktail génétique, s’il fonctionne, créera une espèce hybride, en quelque sorte un éléphant qui résiste au froid. L’éléphant d’Asie et le mammouth laineux semblent avoir un ADN similaire à 99,6%, presque comme l’homme et le singe (99,4%). C’est un peu comme si, une fois l’être humain disparu de la surface de la terre, un extraterrestre proposait d’introduire des séquences de notre ADN chez le chimpanzé pour nous permettre de revivre dans les forêts tropicales.
Il est difficile de ne pas penser que ce projet de la biologie de synthèse est complètement absurde. Il s’inscrit dans une époque où l’homme a démontré sur plusieurs siècles son incapacité à préserver l’habitat des animaux sauvages (et son propre habitat) et à sauver ceux-ci (et lui-même) de l’extinction. Il n’en a pas la volonté. Il est aveuglé par son progrès scientifique et son profit. Les espèces, dites encore sauvages, doivent vivre parquées (et relativement protégées) dans bien des régions du monde. Alors pourquoi vouloir ressusciter le mammouth laineux quand on fait périr la baleine bleue, l’ours polaire, le rhinocéros, l’orang-outang, le panda roux, le tigre, le requin-baleine, la tortue luth et tant d’autres espèces, d’oiseaux et d’insectes. L’homme est un incorrigible destructeur d’écosystèmes et de leurs habitants. Et s’il ne l’était pas, le réchauffement climatique qui fait fondre les glaces aujourd’hui ne lui permettrait pas de retrouver des carcasses de mammouths.
Plus absurde encore que l’idée de ressusciter un animal disparu naturellement est le motif avancé par Colossal pour tenter de faire passer « la pilule ». Ses concepteurs prétendent que ce mi-éléphant mi-mammouth réintroduit dans la toundra arctique permettrait de lutter contre le réchauffement climatique. L’idée serait donc de redonner vie aux prairies arctiques et de capter le dioxyde de carbone et le méthane, deux gaz à effet de serre. Les piétinements et excréments de cet hybride génétique permettraient de retrouver les caractéristiques de l’habitat de ses ancêtres éteints (sans les développements industriels postérieurs ?).
Les scientifiques sont sceptiques et méfiants. Le scepticisme concernant l’objectif de corriger les effets du réchauffement climatique dans les steppes sibériennes (dans quel délai et avec combien de spécimens ?) semble aller de soi.
Mais on espère surtout que la méfiance restera de mise face à des entrepreneurs et des chercheurs dont le premier souhait est certainement d’être à l’avant-garde d’une révolution biotechnologique et de faire parler d’eux. Parler de dé-extinction du mammouth laineux est un mensonge. On ne recréera pas de mammouth ! Aux nostalgiques, il faut offrir Jurassic Park. Si les généticiens parviennent à mener à bien leur projet, on aura un éléphant chimérique. Il s’agira d’un organisme nouveau, synthétique et génétiquement modifié. D’ici qu’une éléphante d’Asie mette au monde un « mammouphant », non seulement le réchauffement climatique aura ravagé une bonne partie de la planète, car la dotation financière du projet est minime (25’000$). Mais on doit espérer qu’une législation adéquate viendra mettre un terme à la réalisation de ce genre d’expérience folle et mégalomaniaque.
L’être humain commence à peine à réaliser son interdépendance avec la nature et ce n’est qu’un tout petit bout du chemin. C’est pour cela qu’il continue à se prendre pour Dieu. Il lui reste une longue route à accomplir. Il lui faut comprendre qu’il est, lui aussi, une création de la nature, comme les mammouths laineux et les dinosaures. S’il lui plaît de croire que les capacités de son cerveau le rendent si spécial qu’il sera protégé contre le sort de ces espèces disparues, son orgueil le conduira probablement à sa perte.
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