Dans la rubrique « Health » de CNN en ce 13 janvier 2023, le gros titre était celui-ci : Old mice grow young again. Can people do the same ?
Sommes-nous en train de danser sur la tête ou au contraire de vivre une révolution en matière médicale de l’importance de celle de la découverte des antibiotiques ?
Par Katia Elkaim
Devant sa glace, nue comme un ver, Marielle se scrutait. Cela faisait partie de son rituel matinal. Elle se scannait dans un ordre bien défini, en commençant par les pieds, puis en remontant de manière latérale pour terminer par son visage. Elle notait ainsi scrupuleusement le moindre défaut dans un petit carnet, très old fashion, sans que cette contradiction la gêne le moins du monde. Elle n’était plus à une contradiction près.
Par rapport à d’autres, elle était plutôt jeune en âge, plusieurs décennies à son actif. Plus de six et moins de huit. Sa première intervention chirurgicale, elle se l’était offerte à 40 ans. Un cadeau d’anniversaire en forme de lifting. Il était très réussi et le chirurgien vraiment doué. Les nouvelles techniques opératoires ne lui avaient même pas laissé de cicatrices et son passage en centre de soins avait été ambulatoire. Sa sortie rajeunie dans le monde avait même été possible après deux jours. Le traitement lui donnait une mine resplendissante, ce que tous ses amis remarquaient au premier coup d’œil.
Ce matin, elle était contrariée. Les effets des derniers traitements s’étaient trop vite estompés et, bien qu’elle soit à l’aise, elle n’était pas riche. Son budget ne comprenait pas de nouveau traitement avant quelques semaines.
À sa fille qui haussait les épaules en lui disant qu’elle était très bien comme elle était et qu’il fallait cesser tout ce cirque, elle rétorquait que la jeunesse permettait de mieux vivre, comme avec une prothèse de hanche ou de genou : « Tu vois, quand on a l’air plus jeune, on fait des rencontres plus facilement. On se sent mieux dans peau et plus assurée, favorisant les rapprochements. Si je ressemble à une vieille, on me dit madame avec déférence. Personne ne veut draguer une grand-mère, même quand on est soi-même grands-parents. »
En vrai, Marielle venait de rencontrer un charmant jeune homme de 80 ans, tout aussi refait qu’elle. Elle sentait son cœur battre à l’idée de le voir, de le toucher et vivait l’excitation des premiers émois. Alors pas question de laisser ces cuisses flasques et ces yeux à demi fermés rompre la magie. Sa fille pouvait bien lever les yeux au ciel tout ce qu’elle voulait. C’était facile de trouver cela ridicule à 30 ans !
Marielle se rendit chez son médecin. Le bon docteur écouta patiemment la lecture du carnet.
— Chère madame, je ne voudrais pas vous interrompre, mais laissez-moi vous dire que je ne pense pas que de nouvelles injections ou une nouvelle opération soient indiquées dans votre cas.
— Vous plaisantez, docteur, j’espère. Vous n’êtes pas en train de m’annoncer le pire, à savoir que je vais devoir rester ridée pour le restant de mes jours ?
— Relativisons chère madame, il y aurait bien pire certainement, mais n’évoquons pas la triste condition des gens qui n’ont pas les moyens ou l’accès à notre bonne médecine, sans parler de ceux qui ont le mauvais goût de tomber vraiment malades.
— Je vous l’accorde, parler de ces sujets est très désagréable et déprimant. Pauvres gens !
Que me proposez-vous alors ?
— Dans les années 2020, une équipe de chercheurs américains ont décodé le processus de vieillissement et de rajeunissement. Il semblerait qu’il suffise de rappeler aux cellules le bon code génétique pour qu’elles se remettent à fabriquer des cellules alertes.
— Mais c’est miraculeux !
— Oui, ça l’est ! Depuis cette année, ce procédé a été approuvé par les organismes de santé et peut donc être appliqué.
— Formidable… Quand commence-t-on ?
— Attendez, vous ne voulez pas savoir combien ça vaut.
— Que dites-vous, ce n’est pas remboursé ?
— Malheureusement cela ne l’est pas, à moins que l’on ne découvre chez vous une pathologie qui bénéficierait de cette technique, parce que le traitement serait à terme plus coûteux. Vous avez bien une petite pathologie quelque part, non !
— Heu, je ne sais pas, je ne crois pas… quel genre ?
— Hum, il faudrait un petit cancer, une petite maladie auto-immune, une dégénérescence quelconque… Sans vouloir vous faire offense, à votre âge, il est fort peu probable que vous n’ayez rien de cela. Je vous propose de programmer quelques examens pour le savoir.
— Bien, votre heure sera la mienne.
Dès le lendemain, Marielle se rendit dans une clinique. À 9 h était prévue une coloscopie sous sédation ; à 10 h 30 un scanner des pieds à la tête et à midi une mammographie et un examen gynécologique complet. L’après-midi allait se poursuivre par une scintigraphie osseuse et les différents examens cardiaques.
Comme les diverses procédures impliquaient une mise sous surveillance, elle passa la nuit en clinique. Il fallut ensuite attendre les résultats.
L’attente était insupportable. Les examens avaient un peu éprouvé son corps et elle repéra au matin au moins deux nouvelles rides en plus de celles qu’elle connaissait déjà.
Finalement, alors qu’elle était sur le point de prendre un anxiolytique pour calmer ses angoisses, le médecin l’appela.
— Chère madame, je n’ai pas de très bonnes nouvelles. Vous n’avez rien.
— Comment cela je n’ai rien ?
— Rien, je vous dis, rien du tout que nous puissions utiliser pour l’assurance.
— Que me dites-vous là, je vais devoir payer ?
— Je le crains… je vais vous faire un devis.
— Il n’y a aucun problème, quel que soit le coût, programmons s’il vous plaît.
— Bien madame. Vous me direz comment vous voulez régler.
Le lendemain, un panneau sur la façade affichait devant chez Marielle : Maison à vendre en viager….
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