« The Circle » est le titre d’un roman de fiction écrit, il y a quelques années déjà, par le romancier américain Dave Eggers. Il y raconte l’histoire de Mae Holland, embauchée par le Cercle, la plus puissante société internet qui prétend rendre le monde plus pur et transparent. Ravie de son nouvel emploi, la jeune femme partage l’entier de son quotidien sur les réseaux sociaux via des caméras et des micros, se créant une nouvelle identité en ligne. Un jour, elle découvre, déconcertée, que les sous-sols du Cercle sont encombrés de serveurs réservés à une autre personne qui, comme elle, partage toute sa vie au grand jour.
Dans son récit, l’auteur se livre à une attaque en règle contre le « totalitarisme » des réseaux sociaux, la « dictature » de la transparence et la « confusion » entre vie privée et vie publique. Au-delà de ses exagérations et des aspects philosophiques et sociétaux, il demeure que « The Circle » soulève des questions pertinentes sur les ressources futures qui seront nécessaires pour « nourrir l’ogre numérique ». Si plusieurs salles équipées sont nécessaires pour un seul « profil », quelles seront les ressources qu’il faudra mobiliser pour répondre, demain, à la demande et interconnecter des dizaines, voire des dizaines de milliards d'objets connectés (loT) permettant une communication entre les biens physiques et leurs existences numériques ?
En termes d’énergie la demande va s’accroître fortement. Certes, la consommation moyenne de réseaux de communication diminue périodiquement. Par contre, l’augmentation de personnes connectées et le nombre de dispositif connectés pourrait signifier que 20 % de la consommation d’énergie sur Terre soit utilisée pour le stockage des données.
La solution ? Essayer de gérer au mieux la quantité d’informations transmise sur les réseaux, en « nettoyant » l’information à sa source même. Dans une image, par exemple, l’information utile peut n’être contenue que dans quelques bits. Dans un électrocardiogramme aussi ! Et c’est le cas pour un grand nombre de dispositifs. Plus « l’intelligence » se trouve près de sa source, plus il est facile de la trier avant de la distribuer. En traitant l’information localement, le gain en énergie et en bandes de fréquences serait considérable, et mieux accordé aux exigences d’un développement durable.
Les dispositifs intelligents requis pour ce progrès devront être ultra miniaturisés et très sobres en énergie. Cette « intelligence locale », appelée à se muer en Intelligence Artificielle Embarquée (IAE), ne sera certes pas aussi puissante que celle déployée dans les gros serveurs, mais elle jouera un rôle très substantiel. Fort du savoir-faire acquis dans la maîtrise des évolutions du numérique, la Suisse et le CSEM sont à même non seulement d’accompagner cette mutation, mais aussi de l’inspirer et de la guider.
L’économie de ressources ne serait pas le seul bénéfice. En recourant à l’IAE, la sécurité de l’information, transmise localement, serait mieux garantie. Le fait d’être distribuée, potentiellement, à des dizaines de millions des dispositifs intelligents, rendrait, de facto, moins intéressant les efforts des pirates. Ce type de solutions, couplés aux systèmes de sécurité des gros serveurs, peut considérablement renforcer la sécurité globale.
Autre avantage : le « capital informations » serait mieux réparti. On n’arrête pas de le répéter : les données valent de l’or. En les traitant par l’IAE, il sera plus aisé de transmettre cette « richesse » vers des destinations aujourd’hui négligées, dont la prospérité serait ainsi soutenue ; tout en conservant les données à caractère privé.
cet article est une contribution de l'ouvrage CODE_IA à paraître sous la direction de Xavier Comtesse.
Photo by Brett Sayles
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