Je ne sais pas vous, mais lorsque l’infirmière m’a injecté la deuxième dose de vaccin, dans cette cabine alignée au milieu de dizaines d’autres cabines semblables, parmi mes concitoyens unis dans cet effort collectif, j’ai ressenti une émotion.
À nous le début de la fin !
Bon d’accord, c’est un peu romantique et réducteur comme vision. On ne sait pas combien de temps dureront les effets du vaccin, les pays moins bien dotés n’y ont pas encore accès, on discutaille sur les brevets et les guerres reprennent de plus belles.
Bon d’accord !
Mais en attendant, il est grand temps que les quatre murs de la maison cessent de faire figure de prison et redeviennent un cocon.
Pensons en particulier à tous ceux qui n’ont pas le privilège d’avoir un balcon pour respirer quand ils ne sont pas entassés.
Dieu merci, il n’y a que l’écrivain Etgar Keret pour vivre dans la plus étroite maison du monde à Varsovie : 1 m 22 de large.
Je me demande d’ailleurs si une telle exiguïté permet le foisonnement des pensées ou si, au contraire, elle calme le tumulte intérieur, comme un bébé emmailloté qui se sent rassuré d’être serré car cela lui rappelle la matrice de sa mère.
Dans tous les cas, ce n’est pas ce que la veuve Winchester - vous savez les carabines - a ressenti lorsqu’elle a construit à la fin du 19ème siècle son manoir à San José aux États-Unis. On dit qu’à la fin de sa vie, elle aurait été hantée par les milliers de morts au bout de ses fusils et que ceux-ci, les morts, pas les fusils, lui auraient dicté, au fur et à mesure de la construction, les plans de sa maison.
Le résultat est une très grande maison, sans queue, ni tête, avec des escaliers qui ne mènent nulle part et des fenêtres placées dans le sol.
Et pourtant, le sans queue ni tête est très en vogue. C’est en tous les cas, ce que je me suis dit après avoir occupé – et pas seule - une chambre d’hôtel dans laquelle se trouvaient aussi les toilettes, mais sans porte.
La maison de demain qui doit aussi être celle d’aujourd’hui c’est :
Parmi les prédictions réjouissantes de l’avenir, il y a maintenant le risque de pandémie et je me demande comment nous allons, dans le futur, prendre cette donnée en compte dans notre manière de construire.
Quoi qu’il en soit, il sera toujours possible de nous enfermer dans une maison à 1 EUR du sud de la Sicile ou dans un manoir moyenâgeux en déréliction qu’un bon artisan se chargera de restaurer, nous rappelant au passage que si la maison du futur est économe, celle du passé vient nous rappeler la beauté.
Photo by Ryutaru Tsukata
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