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Oggi...No! par Katia Elkaim


Le 30 juillet 1943, dans la cour de la prison de la Roquette à Paris, Jules-Henri Desfourneaux, bourreau de son état, guillotina Marie-Louise Giraud faiseuse d’anges.

Son crime : avoir aidé une trentaine de femmes, pour la plupart des prostituées, à ne pas assumer une grossesse involontaire en ces temps d’occupation.

La dernière est morte des suites d’une septicémie.

Elle n’a pas eu la chance des autres, car il en fallait de la chance pour survivre aux crochets de la blanchisseuse.

Peut-être que rien de tout cela ne serait arrivé si l’on avait été le 28 décembre 1967 à Colombey-les-Deux-Églises. Nous nous serions alors penchés sur l’épaule du Général de Gaulle pour le féliciter d’avoir signé la loi Neuwirth. Une victoire pour ce député français qui disait dans l’Express d’août 1966 : « Je suis fermement convaincu que les Françaises, avant la fin de cette année, pourront se procurer dans les pharmacies, sur ordonnance médicale, les produits contraceptifs chimiques (pilules) ou mécaniques (diaphragmes, stérilets, etc.) ».

Il s’agissait d’un progrès considérable par rapport à la méthode développée per Hermann Knaus en 1928, lequel, dévoyant une découverte majeure du japonais Ogino, utilisa les cycles de fertilité de la femme pour planifier la conception comme moyen naturel de contraception. Cette méthode dite Ogino, et finalement très mal nommée, dont bon nombre de bébés auraient pu porter le prénom, était la seule admise par l’Église, ce qui amena les Italiens jamais à cours d’humour, à l’appeler la méthode Oggi…no ! (Aujourd’hui…Non).

En 55 ans tout s’est accéléré. Dans les cafés, les jeunes femmes ne se demandent plus si elles prennent la pilule, mais laquelle elles prennent, ou encore si elles ont un stérilet, un patch ou un anneau. La bonne vieille capote est obsolète comme moyen d’éviter une grossesse, son rôle est aujourd’hui réduit à la prophylaxie des maladies sexuellement transmissibles.


Au fond un bébé aujourd’hui, dans nos contrées c’est un choix et c’est très bien comme ça. Et le plus fou, c’est que bien souvent, l’infertilité est plus au cœur des préoccupations, bien plus que la prévention des grossesses non désirées. Il n’y a qu’à voir l’évolution phénoménale des techniques de procréation médicalement assistée de plus en plus sophistiquées, qui permettent à des femmes jeunes ou plus âgées d’être mères.


Il reste toutefois un pas à franchir. Et ce sera là le vrai futur de la contraception. L’implication des hommes, car en 2021, la contraception masculine reste encore un tabou. Il faut une prise de conscience et un dialogue qui permettent aux femmes de s’appuyer en confiance sur leur partenaire et à celui-ci d’assumer aussi ce partage des tâches, comme la vaisselle ou l’éducation des enfants une fois nés.


La pilule masculine est à l’étude depuis 50 ans et un spray nasal en voie de mise sur le marché. L’une des méthodes les plus loufoque mais apparemment prometteuse, bien que pas encore testée sur l’humain est un bain de testicules dans un réceptacle à ultrasons, méthode contraceptive qui serait efficace pendant 15 jours, réversible et sans prise d’hormones.


De telles avancées sur le front de la contraception féminine et de telles lenteurs sur celui de la contraception masculine n’est qu’une inégalité de genre de plus. Si la conception de l’enfant est bien une affaire de coup(le), la gestion de la grossesse reste cantonnée aux femmes, comme si la mise au monde d’un enfant se réduisait aux neuf mois de sa gestation.


La contraception est un chantier à plusieurs entrées : Donner accès à la prévention des grossesses à celles qui pour des raisons économiques, culturelles ou religieuses n’y ont pas accès, leur donner le pouvoir de choisir quand elles veulent être mères, éduquer la gent masculine à écouter ces besoins et prendre aussi sa part de responsabilité est la grande aventure de demain.


Et puis, quand on le décide, avoir un bébé reste la plus belle chose au monde.


Photo by Cottonbro

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