Si Timothy Winegard a raison, le prédateur le plus mortel du monde se tient actuellement sur votre jambe.
Même s’il n'est pas responsable de la mort de plus de la moitié de la population mondiale, comme certains le croient, il a assurément des comptes à rendre ; surtout, que ce fléau a eu beaucoup de temps pour s'exercer, plus de cinquante millions d'années. Si vous êtes assez rapide pour l'attraper et le comparer aux fossiles de l'Éocène, vous ne trouverez aucune différence, sauf dans le sang présent dans son organisme, car c’est le vôtre !
Les deux principales espèces de moustique, Anophelinae et Culicinae, se sont différenciées il y a environ deux cent millions d'années. Ces mouches sont donc très anciennes et, si l'âge apporte la sagesse, il assure aussi d’une évolution subtile et progressive. On peut dire, sans ambages, qu'un moustique excelle vraiment à être un moustique. L'une de ses réussites, malheureusement, est la propagation de maladies.
Sans vouloir vous effrayer, et je suppose que vous vous êtes maintenant tapé la jambe pour chasser l'insecte, les moustiques femelles peuvent causer de sacrés désagréments. Elles sont ainsi responsables de la dissémination de virus comme la fièvre jaune et la dengue, d’une infection connue sous le nom de chikungunya, ainsi que de maladies parasitaires comme la malaria. On lui doit des horreurs comme le virus du Nil occidental, l’encéphalite équine orientale et occidentale, l’encéphalite équine du Venezuela et l'encéphalite de St Louis. Ces dames répandent la tularémie et le zika, et jouent un rôle non négligeable en cas de microcéphalie ou d’éléphantiasis. Et, vous le savez, leur piqûre démange à mort.
Si vous êtes l'une des victimes de ces piqûres gênantes, vous êtes en bonne compagnie car, nous dit Winegard, dans son livre « The Mosquito », la femelle moustique a exterminé un tiers de tous les croisés avant même qu'ils ne puissent penser à crier le Deus Vult aux infidèles, la majeure partie de la force d'invasion britannique en 1727 à Carthagène, et la grande majorité des troupes de Nelson au Nicaragua, cinquante ans plus tard. Elle a également assommé le Lord Protector Oliver Cromwell en 1658 ou encore Alexandre III de Macédoine, qui faisait moins le fier face à la fièvre.
Près de cinq mille Américains ont succombé à l’insecte en essayant de venger l'explosion du USS Maine à Cuba à la fin des années 1880, alors que moins de quatre cents d'entre eux sont morts au combat dans cette guerre hispano-américaine.
Après tant de dévastation, la riposte a fini par s’organiser en donnant naissance à une nymphe.
Son nom est OX5034 et elle est génétiquement modifiée.
OX et un milliard et demi de ses frères vont être lâchés dans les Keys de Floride - dont l’emblème national est en fait le moustique - pour s'accoupler avec les femelles du cru. Malheureusement pour la progéniture femelle, seuls les mâles survivront, et ils ne piquent pas, réduisant ainsi le danger pour les humains de ces maladies mortelles.
Le gouvernement fédéral américain et l'Agence américaine de protection de l'environnement (EPA) ont autorisé le lancement imminent de cet insecte modifié mais certains doutent pourtant que ce soit une bonne idée, ce d'autant que l'EPA ne semble pas avoir exploré toutes les possibilités, et que personne ne sait donc vraiment ce qui se passera exactement lorsque OX et ses camarades s'attaqueront aux plages.
N'étant pas un expert en matière de zoonoses, de zoologie ou de biodiversité, je pourrais me tromper complètement, mais il me semble que si nous éradiquons les moustiques femelles de cette manière, nous modifions l'équilibre de notre écosystème, notamment la capacité des moustiques à s'accoupler et à se reproduire.
Oui, ce moustique est maintenant sur votre nuque et prend un copieux petit déjeuner, mais il est aussi une source de nourriture pour les oiseaux, les autres insectes et les mammifères.
Et si nous commençons par les moustiques, où allons-nous nous arrêter ?
Les poux, les puces et les tiques peuvent vous donner la maladie de Lyme, la peste, le paludisme, la maladie du sommeil, la leishmaniose et la filariose. Vous pouvez attraper l'anthrax de la laine des herbivores domestiques, la grippe aviaire des oiseaux d'eau, l'herpès des macaques, la rage des chiens, la campylobactériose et l'E.coli des excréments d'animaux de toute sorte, la maladie des griffes du chat et la toxoplasmose de Minet, la cryptococcose des pigeons et la giardase, la rage, la salmonellose et le staphylocoque doré résistant à la pénicilline d'à peu près n'importe lequel de ces animaux.
Attrapez un hantavirus et une chorioméningite lymphocytaire par la souris, une histoplasmose par la chauve-souris, une leptospirose par le bétail et les porcs, une listériose causée par les hot-dogs, une psittacose grâce au perroquet, une fièvre Q merci les moutons et les chèvres, une baylisascaris par le raton laveur, une fièvre par morsure de rat par le rat évidemment, enfin vous pouvez être victime de la teigne ou d’une ascaridiose, simplement parce que vous êtes un mammifère dans un monde d'autres mammifères.
Et puis il y a le Covid-19 qui semble avoir démarré par "une combinaison de brassage génétique" et qui représente maintenant un défi pour toute l'espèce humaine.
Nous œuvrons constamment à traiter plus de maladies et à éradiquer les pandémies pour rendre notre vie plus confortable, mais nous devons être absolument sûrs, lorsque nous jouons avec la génétique que ces manipulations - et ces moustiques - ne reviendront pas nous piquer.
Il est sur votre bras !
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