Traquer les utilisateurs est légion sur le web.
Un site web peut aller chercher des ressources telles que des images et des scripts sur d'autres domaines que le sien. Appelé « cross-origin » ou « cross-site loading » - le chargement croisé ou intersites, c'est ce qui fait la force du web. Toutefois, cette fonctionnalité permet également de suivre les utilisateurs d'un site à l'autre. Les fameux cookies stockés dans le navigateur de l’utilisateur permet le « cross-site tracking » et fournit des informations sur les comportements de l’utilisateur à travers la toile pour le propriétaire du cookie.
De très nombreux sites utilisent des cookies ; ils doivent les annoncer et permettre à l’utilisateur d’accepter et de choisir le type de cookie qu’il veut autoriser.
Souriez, vous êtes surveillés !
Qu’en est-il des réseaux sociaux ?
Aujourd’hui, nul n’est censé ignorer que sur Facebook, lorsque nous « likons » tel groupe, suivons telle personnalité, regardons telle photo, visitons tel site internet, ou nous rendons à tel endroit, nous fournissons des informations précises pour mieux dévoiler notre identité numérique. Notre comportement en ligne permet de savoir qui nous sommes, ce que nous aimons. Avec pour corollaire de la publicité ciblée selon nos goûts.
Si le système de Facebook est si efficace, c’est qu’il est maître dans la collecte et le tri des Metadata – soit les données valables extraites de toutes les données récoltées. Ces metadata permettent une analyse encore plus fine ; qui nous sommes, à qui nous écrivons, quand, et à quelle fréquence. A qui nos destinataires écrivent et ainsi de suite.
Mettre la main sur ces metadata, c’est la ruée vers l’or.
Facebook a acquis Whatsapp en 2014. Cette acquisition lui a assuré les metadata de tous les utilisateurs de cette app de communication, pour mieux les scruter.
En août 2016, Whatsapp a mis à jour sa politique de confidentialité, annonçant notamment l’échange d’informations sur ses utilisateurs et leurs metadata avec Facebook. En revanche, Whatsapp a assuré le cryptage de bout en bout des communications : les messages, les photos et tout autre contenu échangé entre les utilisateurs n’est pas révélé. Whatsapp et Facebook n’ont pas accès au contenu des communications des utilisateurs, mais Whatsapp collecte toutes les autres informations, comme le numéro de téléphone, la façon d’utiliser l’app, la durée d’utilisation, et l’interaction avec les autres utilisateurs.
Dans quel but collecter toutes ces données ?
De nombreux annonceurs utilisent Facebook pour atteindre de façon ultra ciblée leurs clients potentiels en faisant de la publicité sur ses canaux.
Pourquoi la publicité sur Facebook est-elle redoutablement efficace ? Parce qu’elle exploite les données des utilisateurs, en les traquant non seulement lorsqu’ils évoluent sur Facebook, Instagram et Whatsapp (apps rachetées par Facebook), mais aussi lorsqu’ils évoluent en dehors du réseau, en accédant à leur localisation, leur email, et toute sorte d’autres informations qui offrent une analyse fine de leur comportement.
Facebook est aujourd’hui l’un des réseaux de distribution les plus performants en termes de publicité ciblée, avec une stratégie de données efficace, pourtant tant décriée.
A force de jouer avec le feu, on finit par se brûler les doigts
Les utilisateurs de Whatsapp ont vu apparaître cette semaine une fenêtre les informant qu’ils avaient jusqu’au 8 février prochain pour accepter les nouvelles conditions d’utilisation et de confidentialité pour pouvoir continuer à utiliser l’app.
Alors que les changements annoncés n’apportent rien de fondamentalement nouveau, ils ont suscité l’émoi auprès de nombreux utilisateurs, qui ont décidé de cesser d’utiliser Whatsapp pour tenter d’autres apps plus dignes de confiance.
Et cela alors même que Whatsapp, et Facebook, n'échappent pas à la privacy shield (https://www.privacyshield.gov/welcome) et au RGDP, deux mécanismes réglementaires destinés à protéger les données des utilisateurs de ces app.
La morale de l’histoire ?
Facebook souffre d’un déficit de confiance de plus en plus important auprès des utilisateurs. L’obsession de créer un outil publicitaire des plus puissants pour atteindre des objectifs financiers ambitieux finira par coûter très cher au réseau social le plus puissant du monde.
En réalité, les autres plateformes ne font pas beaucoup mieux en termes d’invasion de la sphère privée. Et celles-là passent (encore) inaperçues aux yeux du public.
Chat échaudé …
Nous ne sommes pas victimes de ces plateformes. Nous sommes mêmes coupables. Consommer gratuitement des services – réseaux sociaux, messagerie, outils de communication, a nécessairement un coût. Et ce coût, c’est nous, nos données, par lesquelles nous ouvrons tout grand l’antre de notre intimité, nous dévoilons qui nous sommes et nous permettons à des forces malintentionnées de nous manipuler.
Choisir une autre app que whatsapp, si elle est gratuite, ne nous mettra pas à l’abri.
Pour rester maître de sa vie, de ses choix, il faut accepter de payer pour des services qui garantissent le respect de la vie privée. C’est bien là la clé pour rester maître face à la technologie.
Picture by Tracy Le Blanc
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