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Rester sensible pour rester humain par Katia Elkaim


Le moins que l’on puisse dire est que cette année 2021 est partie sur les chapeaux de roue. D’ailleurs, une des blagues stupides qui circule sur les réseaux dit ceci : « J’ai terminé la période d’essai de 7 jours de l’année 2021 et je ne suis pas convaincue : je préfère ne pas acheter »

Le monde vient d’assister en direct à une attaque massive sur l’un des symboles de la démocratie, événement qui par sa gravité devrait nous horrifier au moins autant que d’autres attaques terroristes ; et pourtant deux jours plus tard, les réactions dans le monde ne sont au mieux qu’offusquées au point que l’on sent déjà les nations en pleine pandémie reprendre leur routine, pas comme si de rien n’était mais presque.

On peut s’interroger sur les raisons d’une telle insensibilité face à ce qui devrait donner lieu à un questionnement en profondeur de l’état de notre monde. L’une des réponses tient peut-être bêtement au fait que l’on vit désormais au même rythme effréné que nos réseaux sociaux qui font et défont l’actualité parfois en une seule et même journée. Elle tient aussi peut-être au fait que, face aux événements globalement traumatisants vécus depuis les attaques du 11 septembre, nous nous désinvestissons émotionnellement pour pouvoir continuer à vivre, comme le partenaire d’un conjoint abusif qui finit par se blinder pour ne pas souffrir au quotidien.

Cette insensibilité se retrouve à tous les niveaux. Il y quelques années à peine, je me souviens d’un débat enflammé à propos de caméras de surveillance dans les rues et, en bonne démocrate, fervente partisane d’un Etat de droit, je m’insurgeais que l’on puisse imaginer mettre le citoyen lamda sous surveillance visuelle, même au nom de la sécurité publique. La réalité est que nous n’en sommes plus là.

La pandémie nous a contraints à concéder une grande partie de nos libertés pour le bien commun, et c’est normal puisque nous vivons dans un état d’urgence sanitaire. Notre liberté de mouvement est – provisoirement on l’espère – durement atteinte et les traçages et fichages sont devenus un mal nécessaire pour contrer un mal plus spectaculaire encore.

Mais soyons clairs : Nous devons sortir de cette état de crise au plus vite et, si face à ce virus, il n’y a pour l’heure pas d’autre solution, il nous incombe comme citoyens épris de démocratie de mettre à profit ce temps d’arrêt forcé pour réfléchir à notre avenir.

J’ai une crainte toutefois, c’est que la pseudo-défense de nos libertés ne soit prise en otage par les mouvements complotistes qui fleurissent et répandent leur fiel à travers les réseaux sociaux. En effet, les récents événements nous ont mis la réalité en face des trous ; les déchaînements virtuels trouvent bien un écho dans la vie réelle. Si cette vérité n’est pas nouvelle, les mouvements terroristes utilisant ce moyen depuis bientôt plusieurs décennies, l’attaque du Capitole nous a montré que dorénavant, nous pouvions tous devenir nos propres ennemis.


Réfléchir de manière constructive nous impose de ne pas céder à la tentation de n’être que binaire ; tout n’est pas que très bien ou très mal. Nuancer demande certainement un effort intellectuel et de la bienveillance face à la contradiction, mais notre avenir ne mérite-t-il pas au moins cela ?


Le temps du débat sur les caméras de vidéosurveillance est très largement dépassé. Aujourd’hui, WhatsApp, sous l’impulsion d’Apple nous incite à accepter formellement que nos données personnelles soient transférées à un ou des réseaux sociaux affiliés. Demain, les suites de la pandémie nous imposeront encore d’autres restrictions à n’en pas douter.

Le temps d’avant ne reviendra jamais. La transition sociétale est profonde et plutôt que de s’accrocher à ce qui a été, ne devrait-on pas se projeter dans le futur et commencer à discuter des contours de ce que sera notre liberté dans le monde tout numérique de demain ?


Picture by Karolina Grabowska

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