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The Language of Heaven (version française) par Nigel Roth



En 1982, un mois après que la reine Elizabeth a remis ses dents en place suffisamment longtemps pour inaugurer le Barbican Centre à Londres, sa résidence principale, le Royaume-Uni, partit faire la guerre à l'Argentine.


Il ne pouvait pas vraiment y avoir de guerre moins importante, la récompense n’étant qu’un minuscule groupe d'îles situé à l'est de l'Isla Grand del Tierra Fuego en Patagonie, appelé Islas Malvinas. Ce ne fut cependant pas pour autant la guerre la plus courte, car la médaille revient à la guerre anglo-zanzibarienne.


Cette guerre, contrairement à la Guerra de las Malvinas, n'a duré que trente-huit minutes.


Elle commença le 25 août 1896, lorsque le sultan Hamad bin Thuwaini mourut, et que son neveu de vingt-neuf ans, Khalid bin Barghash, tenta d'endiguer le chaos imminent en se déclarant sultan. Malheureusement pour Zanzibar, Khalid et tous ceux qui prenaient leur petit-déjeuner à la cafétéria du palais ce matin-là, la Grande-Bretagne avait décidé qu'elle possédait ce morceau d'humanité en 1890, ce qu’elle a tendance à faire.


Ils lui ont donc demandé de se retirer. Il refusa d’obtempérer car, après tout, c'était son pays. C'est ainsi qu'à 9h02 le 27 août, alors que les œufs étaient en train de frire au plat, la Royal Navy bombarda le palais depuis le port, y mit le feu et gâcha les saucisses.


Fiers d'avoir tué cinq cents Zanzibaris innocents et d'avoir blessé un seul soldat, ils virent Khalid s'échapper et installèrent rapidement le sultan Hamud à la tête du gouvernement.


À 9h40, la guerre était terminée, et le petit déjeuner put reprendre, avec des toasts à peine brûlés.


Bravo la Grande-Bretagne d'avoir gâché le repas le plus important de la journée, pour toujours.


La Guerra de las Malvinas, en revanche, mit beaucoup plus de temps à se terminer, soixante-quatorze jours, et coûta la vie à plus de neuf cents personnes. Les îles sont restées telles quelles, sous contrôle britannique, et tous les survivants se sont mis à crier hip-hip hourra et à agiter de petits drapeaux dans le vent glacial.


À la fin de cette guerre, cependant, une chose très étrange se produisit.


Alors que les soldats et les marins argentins encore en vie, étaient renvoyés dans leurs foyers et leurs familles, et que les Britanniques se préparaient à laisser ces rochers stériles et inutiles aux habitants des Malouines qui voulaient désespérément y vivre, un garde gallois, désireux de retrouver Myfanwy et Cwm Rhondda, et de boire du thé avec une tranche de bara brith et une pile de crempogs, rencontra face à face l'un des hommes qu'il avait essayé de tuer plus tôt dans la semaine.


Le garde gallois salua le soldat argentin d'un "Bore da", ou bonjour, auquel l'Argentin répondit par "Bore da, sut wyt ti", bonjour, et comment allez-vous.


À la surprise du Gallois, l'Argentin parlait également le Gallois et, après un autre échange, ils se sont découverts un lien de parenté non seulement sur le plan de la langue, mais aussi sur celui de l'ascendance. En effet, cet homme descendait des Gallois arrivés en Patagonie en 1865 qui fuyaient aussi vite que possible un pays de Galles en voie d'être intégré à la Grande-Bretagne. Ils craignaient la perte imminente de leur culture et de leur langue, ainsi que de leurs moyens de subsistance, ancrés dans le cœur rural du vieux pays.


Ils se sont donc tournés vers l'étranger, d'abord vers l'Amérique et les villes galloises établies comme Utica et Scranton, puis vers le Canada et Vancouver, mais comme cela nécessitait de renoncer à leur galloiserie, beaucoup ont préféré fonder un endroit où les Gallois pourraient être des Gallois, sans subir les influences de l'Angleterre industrialisante et de l'Amérique fanatiquement américaine.


Et la Patagonie semblait être l'endroit idéal.


Plusieurs membres d'un comité d'émigration gallois avaient discuté avec le gouvernement argentin de leurs projets, et un accord avait été conclu pour que les Gallois puissent venir s'installer dans un endroit appelé Bahia Blanca. Ils seraient autorisés à conserver leur langue, leur culture et leurs traditions. Ainsi, avec cette garantie, les cent cinquante premiers colons embarquèrent à bord du Mimosa, en mai 1865, pour un coût de 12 £ par adulte et 6 £ par enfant.


Et, le 27 juillet, ils arrivèrent sur les côtes argentines.


Aucun nouveau foyer ne va sans sa part de défis, comme l'ont constaté les colons anglais de Jamestown en 1607, lorsqu'ils atteignirent la terre ferme américaine, treize ans avant que des étranges pèlerins n'arrivent des Pays-Bas.


Mais ils ont persévéré, s'accommodant d'abord d'un paysage composé davantage de plaines arides et de broussailles inhospitalières que de vallées vertes et de collines ondoyantes. Ils creusèrent des maisons dans les falaises de la baie, avant de se diriger vers l'intérieur des terres, dans la vallée de Chubut, où une rivière, que les colons nommèrent Rawson, et qui promettait de meilleures perspectives de survie.


À partir de ce moment-là, avec l'aide des Indiens Tehuelche de la région, la colonie se stabilisa et s'agrandit lentement, progressivement même si avec hésitation. En 1875, elle comptait deux cent soixante-dix habitants. Les nouveaux arrivants venaient directement du Pays de Galles ou de Pennsylvanie et vivaient le long de la rivière Camwy, comme on commençait à l'appeler.


Sous la direction de leur cheffe, Rachel Jenkins, ils creusèrent des canaux d'irrigation pour arroser les champs, ce qui leur assurait un avenir ; quelques fermes commencèrent à apparaître le long du cours de la rivière. Peu de temps après, ils obtinrent la propriété et les pleins droits sur leurs terres, ce qui encouragea d'autres Gallois à les rejoindre à l'ouest, vers le nouveau monde, faisant passer la population à près de huit cents personnes en 1877, et nommant tous les lieux où ils s'installèrent dans leur langue maternelle, le Gallois.


Au fur et à mesure que les immigrants s'intégraient aux Argentins hispanophones, la langue changea pour devenir le Cymraeg y Wladfa, ou gallois de Patagonie. Il s'agit d'un dialecte très distinct de ceux utilisés au Pays de Galles, qui comprend souvent des bribes d'espagnol et des bribes d'anglais, mais qui est tout à fait compréhensible par les habitants des deux pays, d'où la conversation entre le garde gallois et le soldat argentin.


Lorsque d'autres colons arrivèrent pendant les dépressions de 1880-1887 et de 1904-1912, ils trouvèrent une région agricole des plus fertiles et l’une des plus productives du pays. Le territoire gallois s'étendait désormais de Rawson à Cwm Hyfryd. Il s’agissait d’une ville nouvelle au pied des grandes Andes, avec des écoles, des chapelles et un gouvernement local parlant gallois. En 1915, la vallée de Chubut comptait une population de plus de dix mille immigrants gallois.


Ainsi, alors que la communauté était florissante et singulièrement plus productive que la majeure partie du pays, et qu'elle vivait en paix et en harmonie dans ce qui était perçu comme une utopie, le gouvernement argentin fit ce que tous les gouvernements font lorsqu'ils voient des gens réussir à gouverner mieux qu'eux : ils y mirent fin.


La même année, en 1915, le gouvernement argentin imposa donc son autorité directe sur la communauté galloise et proscrit l'usage du gallois dans les administrations locales et les écoles.


Bravo, l'Argentine, pour avoir réduit au silence iaith y nefoedd, la langue du ciel.


À partir de ce moment-là, deux choses se produisirent. Les immigrants s’en allèrent, tandis que le tissu de la communauté s'effilochait. Et, avec l'éducation exclusivement espagnole imposée, les Gallois se mélangèrent avec les Argentins et la force de la culture galloise se dilua. Bien que le Gallois soit resté la langue du foyer et de l'église pour beaucoup, le rêve d'une colonie galloise utopique s’évanouit avec la population ainsi qu'avec ses espoirs de conserver son Gallois face à la mondialisation croissante et aux fausses interprétations modernes des valeurs traditionnelles.


Cependant, il y eut quelques moments plus heureux pour le peuple et la langue galloise de Patagonie.


Au milieu des années 1940, la BBC diffusa des programmes en gallois de Patagonie, soulignant l'existence de la communauté, mettant en lumière son caractère unique. En 1965, elle célébra son centenaire, ce qui attira des visiteurs et des équipes de tournage et raviva l'intérêt pour les séjours et l'installation dans la vallée de Chubut.


Plus tard, en 1997, le British Council créa le Welsh Language Project afin de promouvoir et de développer la langue galloise dans la région de Chubut et, en 2004, les locuteurs gallois de Patagonie demandèrent au gouvernement de fournir des programmes télévisés en gallois, afin de promouvoir le Gallois dans cette région et encourager son utilisation et, surtout, sa survie.


Le premier endroit où les Gallois sont arrivés en Patagonie en 1865, un radieux matin, lourdement chargés de leurs biens, fut un endroit appelé Puerto Madryn.

Et, cent dix-sept ans plus tard, la rencontre entre un garde et un soldat, lourdement chargés de leurs paquetages de survie attira notre attention et celle du monde entier sur cette communauté perdue. Elle eut lieu un beau matin dans la ville de Puerto Madryn.


Bravo l'histoire de ne pas avoir dit tan tro nesaf à l'espoir.


Photo by André Ulysses de Salis

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