Cinquante ans avant que des pèlerins hollandais ne s’embarquent pour une nouvelle destinée en Amérique, un groupe de huguenots français, en quête de liberté religieuse, avait déjà fait le voyage. Ces hommes et ces femmes chérissaient la liberté et l’autonomie, et la chance de pouvoir diriger leur vie valait bien cette vie-là.
Pour d'autres, le voyage et la découverte de nouveaux horizons sont plutôt issus d’une forme de camaraderie, à l’instar des survivants de « Le Fléau » de Stephen King, et de la volonté de se défaire d’une pandémie qui avait décimé une grande partie de la population.
Cela ne fut cependant pas le cas du Prince Leonard Casley qui, profitant d'une faille juridique, s’installa sur un bout de terre à cinq cents kilomètres de Perth, et se plaça à la tête d'un pays : la principauté de Hutt River. Malheureusement, le premier des citoyens devait aussi une facture fiscale de 2,15 millions de dollars US que l'héritier du trône, le prince Graeme Casley, décida finalement de régler en liquidant cette micronation et en vendant les terres qu'elle occupait.
C'est ainsi que s’est achevée l’aventure cinquantenaire de Hutt River. Sa monnaie, son passeport et son drapeau sont maintenant passés dans le monde des collectionneurs, et j’en connais au moins un qui fondra sur le plus petit exemplaire comme un faucon.
Alors que la pandémie fait rage dans le monde entier et que certains dirigeants haussent les épaules au lieu de trouver des solutions qui leur permettraient de se faire élire en novembre, l'idée de tout abandonner et de repartir à zéro dans un nouveau lieu a certainement traversé mon flux Facebook ces dernières semaines, comme ce fut le cas pour ces pionniers lors de la funeste Expédition Donner de 1846.
Cette idée de renouveau a certainement aussi frôlé l’esprit de Paddy Roy Bates, lorsqu’il imagina la Principauté du Sealand en 1975, sur une plate-forme de canons anti-aériens désaffectée appelée Rough Towers, au milieu de la mer du Nord. La constitution qu’il a rédigée et le drapeau n'ont pourtant pas contribué à faire reconnaître son petit état, mais je suppose que la solitude et la paix ont dû compenser cette déception.
Que dire de son Excellence Kevin Baugh et de sa République de Molossia en 1977, juste à l'extérieur de Dayton, Nevada, aux États-Unis, république qui peut aussi compter sur une partie de la planète Vénus qu’il a revendiquée comme territoire distinct en 1994. Parmi les décrets qu’il a promulgués, on trouve pêle-mêle l'interdiction des biens produits au Texas et l'interdiction des morses ! Vous aurez besoin de votre passeport pour y entrer, mais une fois sur place, vous pourrez vous désaltérer dans le Tiki bar officiel pendant votre séjour.
D'autres micronations sont nées de l'angoisse, de la colère et des élans créatifs de leurs fondateurs.
Prenez Edwin Lipburger, qui a été tellement froissé par le refus de ses boules par le gouvernement autrichien - sa maison avait la forme d'une boule - qu'il en a déclaré l'indépendance et a dit auf wiedersehen aux impôts. Malheureusement, le gouvernement n'a pas partagé son enthousiasme pour sa République du Kugelmugel et l'a envoyé au frais quelque temps. Il a été gracié et en est mort.
Ou encore Jacopo Fo, qui a imaginé la République libre d'Alcatraz en 2009 et l'a placée au milieu d'une forêt près de Pérouse. Sa frustration totale face à ce qu’il considérait comme de la corruption de Silvio Berlusconi a poussé Fo à frapper monnaie, émettre un passeport et des timbres, tous portant les dessins de la République.
Dieu merci, tous les mini états ne sont pas nés dans la douleur ; Freetown Christiania, à Copenhague, abrite depuis quarante ans une communauté hippie pacifique qui gère ses propres écoles, construit ses propres maisons et fait ses courses dans ses propres magasins.
Et, Akhzivland, sur la côte nord d'Israël, où un juif d'origine iranienne nommé Eli Avivi a vécu et dirigé sa petite et paisible nation également pendant plus de quarante ans, et semble avoir atteint sa propre terre promise, endroit qui propose maintenant des séances de yoga et offre un lieu de détente à ses visiteurs.
N’avons-nous pas tous, un jour, eu envie de tout recommencer, que ce soit par désir d'autonomie ou poussés par la lassitude. Nous avons tous secrètement pensé à ce lieu de paix, de recommencement, notre Plymouth Rock, notre El Dorado, notre Shangri La.
Alors que le monde s'effondre sous la maladie, quelle sera la prochaine communauté à chercher du réconfort dans un endroit qui lui est propre, et pour combien de temps aura-t-elle la chance d'y rester. William Bradford, qui a emmené la première colonie de pèlerins vers le Nouveau Monde, est parti avec ces mots : "Je ne vous lègue aucun bien, mais je vous laisse la liberté.
Hutt River est morte ; vive le Prince.
Credit photo James Wheeler
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